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2000 06 30 * zdnet france * Echelon et ses réalités * Duncan Campbell

Le journaliste d'investigation Duncan Campbell fut le premier à attirer l'attention sur Echelon au cours d'un reportage sur Channel 4. Il nous livre ici un résumé de tout ce que l'on a appris sur ce réseau de surveillance en 12 ans.

 

Echelon intercepte et traite les communications internationales qui transitent par les satellites. Il appartient à un système de surveillance global qui a plus d'un demi-siècle d'existence. L'Agence nationale de sécurité américaine (NSA) et le quartier général des communications (GCHQ) gèrent ensemble ce système.

La mission de ce réseau : le renseignement par les "signaux", les signals intelligence (Sigint), en interceptant secrètement les communications internationales. D'autres éléments du système Sigint interceptent les messages transitant sur l'internet, par ondes radio, à travers les câbles sous-marins et même ceux émanant des équipements spéciaux des ambassades. Certaines parties du système utilisent également des satellites qui suivent et interceptent des signaux émanant de n'importe quel point de la surface du globe. Le réseau se compose de stations situées aux États-Unis, en Grande-Bretagne, au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande (sans parler de celles sises sur des territoires "amis" qui n'appartiennent pas officiellement au réseau Echelon).

Le réseau permet d'accéder et de traiter pratiquement toutes les communications qui transitent par satellite, les analysant automatiquement et les relayant à des clients qui peuvent se trouver à plusieurs continents de distance. Toutes les stations n'ont pas le même nom de code, mais elles font toutes partie d'un réseau intégré et mondial qui utilise le même équipement et les mêmes méthodes. Elles extraient des informations illégalement dans des milliards de messages, tous les jours, partout dans le monde.

À la suite d'un accord secret signé en 1947, le UKUSA, les pays anglophones se mirent d'accord pour partager la responsabilité de la surveillance de différentes parties du globe. La zone couverte par la Grande-Bretagne intègre l'Europe et l'Afrique, mais s'étend jusqu'au montagnes de l'Oural de l'ancienne Union Soviétique. Le Canada avait pour mission de couvrir le Grand Nord et les régions polaires, tandis que l'Australie se chargeait de l'Océanie.

L'accord préconisait l'utilisation de procédures, de cibles, d'équipements et de méthodes communes à toutes les agences Sigint. D'autres pays, notamment la Norvège, le Danemark, l'Allemagne et la Turquie, signèrent par la suite des accords Sigint avec les États-Unis et la Grande-Bretagne.

Le Pouvoir de la NSA

Le 6 septembre 1960, deux déserteurs de la NSA révélèrent au cours d'une conférence de presse l'étendue mondiale des activités de la NSA.

í Nous savons pour avoir travaillé à la NSA [que] les États-Unis espionnent les communications secrètes de plus de quarante nations, y compris celles de nos propres alliés» Les communications classiques tout autant que codées sont surveillées, et cela concerne pratiquement toutes les nations du monde, y compris celles dans lesquelles sont implantées les stations d'écoute. ’

Quinze ans plus tard, le sénateur américain Frank Church émit un sinistre avertissement lorsque commencèrent les enquêtes sur la NSA qui suivirent le scandale du Watergate. Le comité Church dévoila alors que la NSA avait mis en place une "liste de surveillance", afin d'intercepter les communications internationales de milliers d'Américains, notamment celles d'opposants notoires à la guerre du Vietnam.

í Je sais qu'il y a ici capacité à rendre la tyrannie totale» nous devons nous assurer que cette agence» travaille dans le respect des lois et sous un contrôle adéquat, afin que nous ne traversions jamais cet abysse. ’

Intelsat, la première pierre d'Echelon

Le réseau Echelon fut développé à la fin des années 60. Il fut décidé de le mettre en place après qu'une douzaine de pays se soient mis d'accord pour établir l'International Telecommunications Satellite Organisation (Intelsat). Cette structure devait être propriétaire et gérante d'une constellation de satellites de communications couvrant l'intégralité du globe, afin de permettre des liaisons longue distance et intercontinentales. En 1966, les premiers satellites Intelsat étaient sur orbite.

Les agences de renseignement de l'UKUSA décidèrent de s'assurer qu'elles auraient toujours accès aux messages privés transitant par les satellites d'Intelsat. Mais le seul moyen pour intercepter le trafic satellite était que la NSA et le GCHQ construisent secrètement leurs propres stations d'écoute au sol. En 1971, le GCHQ commença à "exploiter" une nouvelle station secrète à Morwenstow, non loin de Bude en Cornouailles, Angleterre. Cette station permettait d'intercepter les communications satellites au-dessus de l'Atlantique et de l'océan Indien. Pour intercepter les communications de la région Pacifique, la NSA construisit une deuxième station à Yakima, aux environs de Seattle, au nord-ouest des États-Unis.

Les ambassades sur écoute aussi

Une particularité de chacune de ces stations était l'utilisation d'ordinateurs, les Dictionaries, qui sélectionnaient automatiquement des messages écrits (pas les messages oraux) en fonction d'une liste de numéros, de sujets et de mots clés qui intéressaient les services de renseignements.

D'autres communications étaient également interceptées directement sur les lignes terrestres. En 1991, l'émission britannique World in Action effectua un reportage sur le fonctionnement d'un ordinateur Dictionary situé dans la station londonienne du GCHQ sur Palmer Street, Westminster (station UKC1000). L'émission cita des employés du GCHQ, qui souhaitaient rester anonymes : í Ici au troisième, [le GCHQ] a engagé un groupe de spécialistes de la sécurité de British Telecom... Ca n'a rien à voir avec la sécurité nationale. C'est parce qu'il est illégal d'intercepter tous les fax. Et pourtant ils prennent tout ce qui passe : ambassades, contrats, v˙ux d'anniversaire, tout y passe. Et ils mettent tout dans le Dictionary. ’

À partir de 1981, la NSA et le GCHQ ont également construit le premier réseau global à grande échelle (Wan). Jusqu'au milieu des années 90, ce réseau international, qui permettait de relier les stations Sigint et les centres de traitement, était plus important qu'Internet. Le réseau est constitué de câbles transocéaniques et de liaisons spatiales. La plus grande partie des capacités des satellites de communications militaires américains et britanniques, Milstar et Skynet, est consacrée à transmettre des données pour les services de renseignement.

La plus importante base d'espionnage électronique du monde est la station NSA Field Station F83 de Menwith Hill, dans le Yorkshire. Connue au sein de la NSA sous le nom de Silkworth, c'est l'un des quatre centres principaux de gestion et de traitement des données fournies par les satellites Sigint, qui écoutent depuis l'espace. Sa deuxième fonction, Moonpenny, est d'intercepter les données transmises par les satellites étrangers, qu'ils soient militaires ou civils. La station NSA Field Station F81 de Bad Aibling, en Bavière, gère le système Garlick, qui intercepte également les communications satellites. Les autres stations sont celles de Denver, au Colorado et de Pine Gap, à côté de Alice Springs en Australie.

Le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande acceptèrent d'intégrer le réseau Echelon au milieu des années 80. Le site australien, non loin de Perth en Australie Occidentale, compte aujourd'hui quatre paraboles d'interception. Le site néo-zélandais, Waihopai, compte deux paraboles dirigées sur les satellites Intelsat qui couvrent le Pacifique Sud. En 1996, une chaîne néo-zélandaise est parvenue à obtenir des images de l'intérieur du centre des opérations de la station de Waihopai. Les images furent obtenues clandestinement en filmant de nuit à travers des fenêtres partiellement obstruées par des rideaux. Le reporter parvint tout de même à faire des gros plans des manuels des techniciens du centre de contrôle.

Il s'agissait de manuels techniques de Intelsat, prouvant que la station espionnait des satellites civils. Le film montrait également que la station était pratiquement vide, gérée presque exclusivement par des ordinateurs.

En 1992, le vice-amiral William Studeman, alors directeur de la NSA, décrivait les objectifs de la NSA et affirmait que le travail de l'agence consistait à fournir aux Américains un í accès global ’. En mars 1999, le gouvernement australien fut obligé d'admettre pour la première fois que les rapports parlant du traité secret d'espionnage UKUSA étaient fondés. Ils confirmèrent que leur agence Sigint, le Defence Signals Directorate (DSD) í coopère avec les agences Sigint alliées en vertu des relations dictées par l'UKUSA ’.

Aujourd'hui, même l'agence Sigint GCHQ anglaise a son site internet.

Il affirme gérer í l'un des plus importants Wan [Wide Area Networks] du monde ’ et que í Tous les systèmes du GCHQ sont reliés au plus grand Lan d'Europe» reliés à d'autres sites à travers le monde. ’ Le même site internet qui affirme également que í La taille et la puissance de traitement des super-ordinateurs du GCHQ est tout simplement difficile à concevoir. ’