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2001 07 05 * ZDNet.fr - Les eurodéputés de la commission Echelon divisés sur les remèdes, par Jerome Thorel

Tous ne sont pas d'accord sur les mesures à prendre pour assurer le contrôle démocratique d'Echelon, le système de surveillance international révélé par le rapport Schmid.

Maintenant que Echelon existe aux yeux de tous, que ses capacités de surveillance aveugles et systématiques sont avérées, que faire ? À cette question, les 36 députés européens, membres d'une commission spéciale qui a travaillé sur le dossier pendant près d'un an, n'apportent pas tous les mêmes réponses.

Le 4 juillet, en fin d'après midi, les 36 députés ont soumis au vote un « projet de résolution » annexé au rapport du député Schmid rendu public courant juin (lire notreentretien du 20 juin 2001). Résultat : 27 voix "pour", 5 "contre" et deux abstentions. Les opposants sont : Maurizio Turco, un député italien (gauche radicale), deux Français politiquement aux antipodes, Jean-Charles Marchiani (droite, RPF) et Alain Krivine (gauche, LCR), ainsi que deux députés Verts.

Maurizio Turco a tenu le 5 juillet à exprimer sa désapprobation « minoritaire » pour souligner que la motion « prête sa voix à une présumée industrie "européenne" alors qu'elle étouffe celle du "citoyen européen" ».

L'industrie protégée, le citoyen oublié

Il prétend que cette résolution, qui doit être soumise au Parlement européen le 5 septembre prochain, «a censuré le fait que l'Allemagne et les Pays-Bas - et probablement la France - possèdent et utilisent la même technologie ("interceptions, systématiques et généralisées, filtrées par des moteurs de recherche")», et regrette que la «majorité [de la commission] "oublie" de sanctionner le Royaume-Uni qui est accusé de jouer un double jeu vis-à-vis de ses partenaires européens».

«Sur la forme, Maurizio Turco est bien remonté mais plus pour des questions de procédure», explique à ZDNet Alain Krivine, contacté par téléphone à Strasbourg le 5 juillet. «Il a voté contre, comme moi, et sur le fond, certaines de nos critiques se rejoignent. Je pense par exemple qu'avec ce rapport, la montagne accouche d'une souris. Echelon existe, c'est avéré, c'est un véritable scandale au niveau des libertés individuelles, et pourtant le rapport met plus l'accent sur l'espionnage économique que sur l'espionnage politique. De manière générale, l'utilisation des services secrets à des fins politiques ou économiques est révélateur d'un "cancer" de la société libérale. Les conclusions que je tire personnellement ne surprendront personne : l'ultra-libéralisme et la libre concurrence, tout cela incite à l'espionnage industriel. Qu'on ne soit donc pas surpris...»

Le cryptage : intérêts et inconvénients

Maurizio Turco prend aussi prétexte du dossier Echelon pour mettre sur le tapis d'autres formes de surveillance qui ne sont pas nécessairement liées à des activités de renseignement, mais répondent à des finalités plus policières (toute forme d'«intrusions préventives des autorités étatiques»). Turco demande donc un «contrôle juridictionnel et parlementaire sur les activités d'interception et de surveillance des services de police, de sécurité et d'espionnage». Il dénonce comme inefficace «la multiplication des autorités de contrôle qui opèrent avec des standards différents de protection des données et en absence d'un véritable contrôle démocratique et juridictionnel».

À propos des techniques de chiffrement, que le rapport Schmid plébiscite comme un dernier rempart face à la surveillance généralisée, le député italien évoque certains contrecoups qu'il considère comme dommageables : «Même s'il favorise la protection de la vie privée, [le cryptage] implique le développement des moyens techniques et légaux de déchiffrement.» D'un côté, on nous encourage à nous protéger et de l'autre, on renforce les capacités d'interception, dit en substance Turco.

Aucune sanction et peu d'obligations

Le projet de résolution adopté le 4 juillet, dont nous avons une copie, est en effet d'une très grande prudence diplomatique. Il demande à l'Allemagne (qui héberge des stations d'écoute Echelon) et à la Grande-Bretagne (qui, dans cette affaire, est l'allié officiel de la NSA américaine) de faire en sorte que les interceptions ordonnées sur leurs sols par la NSA «soient autorisées à la condition qu'elles respectent la CEDH», la Convention européenne des droits de l'homme. En aucun cas ces deux pays ne seront sanctionnés pour leur participation au dispositif Echelon.

Il demande aussi une refonte de tous les textes, codes ou traités démocratiques signés par la plupart des pays, pour que la vie privée soit respectée en tenant compte des «innovations technologiques». La CEDH est concernée, ainsi que le traité de l'UE, auquel s'ajoutent les résolutions du Conseil de l'Europe signées par plus de 40 pays, mais aussi celles de la Convention internationale des droits civils et politiques (CIDCP), actuellement en cours de rédaction sous l'égide de l'Organisation des Nations-Unis.

Pour un contrôle démocratique accru

Enfin, le projet de résolution est plutôt "mou" à l'égard du "grand allié" américain. Les députés «appellent les États-Unis» à adhérer à la CIDCP des Nations-Unis, qui prévoit qu'un État pourra être jugé devant une commission spéciale en cas de manquement à ses obligations. Ils évoquent également un «code de bonne conduite» entre Européens et Américains, que certains percevront sans doute comme une cautère sur une jambe de bois.

«La NSA est toute-puissante, avance Alain Krivine. Notre visite à Washington, en mai dernier, a eu le mérite de nous apprendre que les capacités d'interception sont énormes du côté américain, que cela menace potentiellement des milliards de personnes, et que le contrôle démocratique de ces activités se résume, aux États-Unis, au droit de regard de seulement huit personnes haut placées... dont le président ! Nous avons rencontré les deux députés de la Chambre qui président la commission de contrôle des services secrets. Derrière eux, il y avait les écussons des douze services de renseignements... Ils nous ont dit, "nous contrôlons toutes ces activités". Et à la question "mais alors, Echelon existe-t-il ?", la seule réponse que nous avons obtenue fut une photocopie de la constitution américaine. C'était d'un cynisme hallucinant.»