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2003 06 10 * La Vie - interview accordée à l'hebdomadaire catholique français "La Vie" et non publiée.

Maurizio Turco, Président des députés radicaux au Parlement européen Est-ce que la mention "héritage religieux" dans le préambule vous convient?
Je pense, avant tout, qu'une Constitution a un autre objectif que celui de synthétiser en quelques lignes une histoire, qu'elle soit politique, géographique ou culturelle. Et si vraiment je devais écrire quelque chose, je préférerai dire que les peuples et les citoyens européens constituent le precipité millénaire d'une évolution humaine.

Pourquoi vous opposer à une mention plus explicite sur l'héritage chrétien?
Parce je ne crois pas qu'il existe un héritage chrétien en tant que tel, dans un sens absolu et avec une valeur positive telle qu'elle doive être revendiquée. Voulons-nous peut-être nier que les racines de l'Europe puisent aussi dans les cendres des bûchers de l'Inquisition? Voulons-nous nier ce qu'a été le pouvoir temporel de l'Eglise catholique dans les siècles passés et qui continue aujourd'hui aussi à travers l'Etat de la Cité du Vatican ainsi que son pouvoir diffus? Pour ne pas évoquer le Syllabus de Pie IX qui est un recueil de choix et de prétentions opposés à celles de la liberté, du droit, de la démocratie et d'une religiosité aussi libre que responsable.

Quelle est votre position par rapport à l'article 51 de la constitution?
Je suis absolument contraire. A chaque fois que l'on veut réglementer une liberté, et dans ce cas la liberté religieuse, l'on finit par la comprimer ou lei d'en soutenir l'épanouissement. De ce point de vue le premier amendement de la Constitution américaine est un phare : le Congrès ne peut légiférer en la matière, ni pour garantir, ni pour réduire les espaces d'expression d'un credo religieux. Je crois que notre proposition, en ce sens, donne plus de garanties aussi bien aux confessions religieuses qu'aux Etats. En effet, nous demandons d'insérer dans la Constitution que l'Europe "garantit la liberté de religion, de changement de religion, de manifestation de la religion à travers un culte et d'association religieuse, des individus, des personnes, grâce aussi aux principes de laïcité de l'Etat, de séparation et d'indépendance de l'Etat et des Eglises." L'article 51, avec l'alibi de reconnaître cette liberté, peut, en réalité, aisément légitimer des discriminations. Nous sommes très préoccupés quand nous lisons que "L'Union respecte et ne préjuge pas du statut prévu dans les législations nationales pour les églises et les associations ou communautés religieuses des Etats membres." Il faut choisir, soit les rapports avec les confessions religieuses relèvent de la compétence des Etats membres soit ils relèvent de celle de l'Union. Mais, si, tout en relevant de la compétence des Etats membres, l'on veut une reconnaissance européenne, ces accords doivent respecter le critère de la liberté religieuse pleine et sans discrimination. Il ne s'agit pas ici, de notre part, d'une condescendance jacobine ou étatiste mais de l'application et de l'extension de ce droit-devoir d'ingérence en défense du droit et des droits naturels, historiquement acquis, à la démocratie, à la liberté personnelle et politique pour les vivants d'aujourd'hui.

Finalement n'est-ce pas là une reconnaissance officielle des églises?
Non, il ne s'agit pas de la reconnaissance officielle des Eglises sinon dans le sens de leur organisation interne. J'en réfère au texte de la proposition: "l'Union respecte et ne préjuge pas du statut prévu dans les législations nationales pour les églises et les associations ou communautés religieuses des Etats membres." En d'autres termes, on ne reconnaît pas officiellement les églises mais certains privilèges acquis. Par exemple, l'exemption de la TVA pour l'Eglise catholique en Espagne et au Portugal. Par exemple, les accords concordataires éminemment avantageux de l'Eglise catholique qui furent signés avec Franco en Espagne, avec Mussolini en Italie et avec Hitler en Allemagne. Avoir conquis des positions de pouvoir ne peut impliquer la sempiternelle conservation des privilèges - et non de droits acquis - dont on jouit.

Etait-il nécessaire de prévoir cet article alors qu'un autre prévoit déjà un dialogue régulier avec les organisations non gouvernementales?
Non, je ne crois pas que cela était nécessaire, je pense même qu'il n'y en avait nul besoin. Par ailleurs les confessions religieuses, en tant que telles, devraient peut-être, enfin, se montrer attentives à autre chose que l'avoir ou les avoirs. Que de fois n'avons-nous pas réfléchi sur les conséquences des lois Combes qui dépouillèrent l'église et le monde confessionnel de leurs avoirs, générant un grand réveil religieux, une véritable renaissance catholique (et pas seulement), ce qui ne veut pas dire, bien entendu, que nous travaillons à en préparer de nouvelles pour ce siècle. Par ailleurs, nous sommes convaincus de l'intime nature - et désormais, sans doute, pouvons nous dire histoire - commune de l'individualisme libéral et du personnalisme chrétien. Mais toute cette tendance à l'autobureaucratisation, à supplier pour être parastatal, avec ces prébendes, cet argent, ces privilèges, qu'est-ce que cela à avoir avec la religion? D'autre part, toutes les confessions religieuses ont des ONG à travers lesquelles elles opèrent, mais une confession religieuse, en tant que telle, pourquoi devrait-elle réclamer d'avoir un dialogue régulier avec l'Etat? Elle devrait plutôt le refuser pour maintenir sa propre liberté d'action à condition que celle-ci soit circonscrite à l'action religieuse.

L'article 51 peut-il encore être remis en cause?
Je l'espère, même si je me rends compte que ce sera très difficile. Dans l'Europe communautaire, comme dans nos pays, règne le conformisme et, parmi les conformismes le pire est celui de ces laïques ou de ces agnostiques comme le Président de la République polonais Kwasniewskj, qui au nom de leur "laïcité" croient qu'une reconnaissance ne peut être niée à personne. Par ailleurs, l'héritage de Kwasniewskj, sa formation politique et culturelle, sont liées à la religion du pouvoir. Ils ne connaissent même pas l'existence d'une religiosité laïque.

Quelle mobilisation menez vous vis-à-vis du préambule, et de l'article 51?
J'ai promu, avec les élus radicaux au Parlement Européen - le leader nonviolent Marco Pannella, l'ancienne Commissaire européenne chargée de l'aide humanitaire Emma Bonino, Marco Cappato, Benedetto Della Vedova, Gianfranco Dell'Alba, Olivier Dupuis - une proposition de résolution formelle qui a déjà recueilli 253 signat ures de députés européens. La résolution est aussi un appel adressé au Conseil européen, aux gouvernements et aux parlements nationaux qui, à ce jour, a été souscrit par 283 députés nationaux des quinze pays membres de l'Union. Nous continuons donc à effectuer tous les pas formels et institutionnels mais aussi politiques. Tout en n'excluant pas que, dans le futur, il serait nécessaire de constituer un front politique qui soit clairement anticlérical et antiprohibitionniste sur toutes les questions qui regardent la vie humaine, des drogues au sexe, à la science. Les positions de l'Eglise catholique sur la bioéthique et sur l'utilisation des embryons pour la recherche scientifique risquent de donner lieu à un nouveau et immense bûcher auquel sont condamnés des millions de malades. Cela vaut la peine, dans une perspective également électorale, de construire cette résistance, ce front, pour un nouvel humanisme de liberté, de libération et de responsabilisation de l'être humain. En conclusion, je dirais que nous vivons une époque dans laquelle, à nouveau ou plus que jamais, est nécessaire une grande réforme, une nouvelle et grande Réforme aussi bien politique et religieuse.